Un autre dernier des grands s’est éteint. Il s’agit de Christian Godard, scénariste et dessinateur, un titan de la BD franco-belge. Je reproduis ici le communiqué de la famille tant qu’il a été publié sur le site officiel.

C’est avec un chagrin infini que nous devons vous annoncer la disparition de Christian Godard.

Il luttait courageusement depuis plus d’un an contre un cancer, et il s’est endormi pour toujours, chez lui, à Paris, près des siens, à l’âge de 92 ans.

Gageons qu’il a rejoint au paradis des auteurs ses amis de longue date, tels que Greg, Tabary, Gotlib, Moebius, Corteggiani, qui lui manquaient tant…

Sa carrière de dessinateur et de scénariste couvre plus de 70 ans de publications dans la presse et l’édition. 

Il fait ses débuts sous le pseudonyme de Ème au début des années 50 dans les illustrés de l’époque comme Coq hardiBenjaminBiribu, avant de publier sous son propre nom dans tous les magazines pour la jeunesse tels que Vaillant/Pif, Ima l’ami des jeunes, Pilote, Tintin, Spirou, Circus, dans l’édition américaine de Métal Hurlant (Heavy Metal), dans Lanfeust, Vécu, Pif Mag, et tant d’autres, des années 1960 à nos jours.

Il a été le dessinateur de Goscinny pendant une douzaine d’années, pour les séries Lili Mannequin, Jacquot le Mousse, Tromblon & Bottaclou, et Pipsi.

En tant qu’auteur complet, il s’affirme avec L’agent secret É-1000, Gil Bagout, et Tim & Anthime ; il rencontre le succès avec Norbert & Kari, puis Martin Milan, ses deux séries les plus personnelles et les plus attachantes, qui alternent avec un brio inégalé humour, aventures à suspense, et émotion.

A partir des années 70 il se taille une solide réputation de scénariste à multiples facettes, changeant de ton et de style sans difficulté, imaginant l’univers ironique de La Jungle en Folie pour Mic Delinx, le space-opera Le Vagabond des Limbes et la série picaresque des Ghlomes pour Ribera. Il publie également un roman policier, Pavane pour un catcheur défunt.

Dans la deuxième moitié des années 80, lui et Julio Ribera dirigent leur propre maison d’édition, Le Vaisseau d’Argent Editeur, et publient les auteurs qu’ils aiment, comme Clavé, Aouamri, Magnin…
Les années 90 le ramènent à plein temps à son métier d’auteur avec la série d’anticipation Le Cybertueur pour Plumail, le thriller Le Grand Scandale pour Ribera, et le polar noir Oki pour Juszezak, en passant par l’humour narquois de Toupet pour Blesteau.

A partir des années 2000 il anime plusieurs Guides en BD chez Vents d’Ouest, tantôt au dessin, tantôt au scénario. Il reprend avec talent le dessin de La Jungle en folie, écrit des récits historiques comme Attila ou D-Day, et se remet au roman policier et au roman jeunesse avec Le fils du notaire et La Cabane.

Il réalise également de grandes aquarelles, “Les Escales de Martin Milan”, mettant en scène ses personnages fétiches, pour des “aventures en une image”. 

Il a à son actif plus de 230 albums, des romans, des pièces, des sketches, des scénarios de télévision.
Jusqu’au bout, il a continué à créer, dessiner, écrire et inventer de nouveaux projets.

Et puis, comme Martin Milan, il s’est éclipsé sans prévenir.

Il n’aimait pas trop les salamalecs.

Il sera inhumé le jeudi 14 novembre 2024 à 15h, au cimetière de Saint-Ouen.

Comme les autres grands de la BD franco-belge, y compris ses amis déjà mentionnés Greg, Tabary, Gotlib, Moebius, Corteggiani, il va nous manquer cruellement…

Pour moi, l’univers de la BD fait partie des raisons pour lesquelles la vie mérite d’être vécue, et c’est pourquoi j’ai continué de récupérer en la matière bien après l’âge tendre. Je consomme toujours de la bédé traditionnelle française ou belge des années 60 (l’École de Marcinelle, l’École de Bruxelles), à côté de la BD contemporaine.

Comme j’ai la chance de souffrir d’un bienvenu trouble de personnalité multiple quand il s’agit des arts et des lettres, qu’il s’agisse de la littérature, de la bande dessinée, de la musique ou des films, la case de mon âme qui héberge la BD franco-belge est complètement distincte de celle destinée aux comics et comic strips américains.

C’est pourquoi je ressens personnellement cette perte. Les grandes gens ne devraient jamais nous quitter.